La tomate
(Solanum lycopersicum)

Le terme « tomate » provient du nom aztèque « tomatl »; il désignait un fruit, la tomatille qu’on nomme cerise de terre au Québec.

La plante trouve ses origines au nord-ouest de l’Amérique du sud, région qui correspond aujourd’hui au Pérou, à l’Équateur et à la Colombie; elle y poussait à l’état sauvage. Il semble que des graines ont été transportées vers le Mexique, peut-être par des oiseaux migrateurs, où sa domestication a eu lieu et où sa taille s’est accrue pour devenir intéressante au point de vue alimentaire. Les Espagnols l’ont connue lors de la conquête espagnole de Mexico par Hernàn Cortés en 1519. Elle fut rapidement introduite en Espagne d’abord, puis en Italie, où la ville de Naples était sous domination espagnole.
La plante a été considérée longtemps avec suspicion, car ses feuilles étaient toxiques; de plus, parfois consommée dans de la vaisselle à base de plomb, son acidité dissolvait ce plomb et provoquait des intoxications; son usage a été limité à des utilisations « médicales » et ornementales au début; cependant elle s’est retrouvée assez tôt dans la cuisine espagnole sous forme de gaspacho, cette soupe froide légère et rafraîchissante.

En Italie, dès 1554, Pietro Andrea Mattioli publiait un dessin (ci-contre) de ce qu’il nommait « poma aurea, pomme d’or »; la langue italienne a conservé le mot « pomodoro » pour désigner la tomate qui présentait à l’origine une teinte dorée.

Dessin de Pietro Andrea Mattioli, vers 1554.

L’Espagne dominait aussi le pays des Flandres, et le Flamand Rembert Dodoens quelques années plus tard (1557) en a fait une belle description sous le nom de « pomme d’amour »; il considérait sa consommation comme dangereuse; il notait qu’en allemand, la plante se
Dodoens_pommes_d'amour nommait « gulden appelen et gold opffel », ce qui prouve qu’elle était connue dans ces régions nordiques à la même époque.

Description des “pommes d’amours” par Rembert Dodoens, 1557.

 

 

 

En Grande-Bretagne, John Gerard, botaniste et chirurgien anglais, fut le premier à cultiver la tomate dans les années 1590. Il représenta la plante, qu’il considérait comme vénéneuse, y compris le fruit, dans son herbier, The Herball or Generall Historie of Plantes. Son avis négatif prévalut en Grande-Bretagne et dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord pendant encore deux siècles.

En France, elle fit son apparition en Provence, voisine de l’Italie; en 1600, un des premiers agronomes français, Olivier de Serres classait la tomate parmi les plantes ornementales; il écrivait dans son livre « Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs » à la page 562:

“Les pommes d’Amour, de Merveille, et Dorées, demandent commun terroir et traitement, comme aussi communément servent-elles à couvrir cabinets et tonnelles, grimpans gaiement par dessus, s’agraffans fermement aux appuis. La diversité de leur feuillage, rend le lieu auquel l’on les assemble, fort plaisant et de bonne grace, les gentils fruicts que ces plantes produisent, pendans parmi leur rameure. A l’issue de l’hiver les graines en sont semées, seul moyen de s’engéacer (s’enraciner) de ces plaisants arbustes, dont la délicatesse ne souffre les rudes froidures; pour laquelle cause ne durent-ils qu’une saison, se mourras, comme les melons et concombres, à l’approche de l’hiver. Leurs fruits ne sont (pas) bons à manger: seulement sont-ils utiles en la médecine, et plaisants à manier et flairer.”

Txt Olivier de Serres tomate

Il y a quatre cents ans, l’orthographe n’était pas encore bien codifiée. Nous avons présenté le texte ainsi pour le rendre un peu plus compréhensible.
Toujours en France, mais beaucoup plus tard, Diderot et d’Alembert en publiaient dans leur Encyclopédie une description détaillée, et notaient que ce fruit était consommé depuis peu dans les régions du Sud de la France, Languedoc et Provence; la révolution française, de par les bouleversements populaires a permis sa diffusion dans tout le pays.

En Europe du nord, elle ne commença à être utilisée en cuisine qu’aux alentours de 1750; à noter que la pomme de terre a aussi connu beaucoup de réticences quant à sa consommation.

Description de la tomate, dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, première édition (1765), tome 16, page 396

Aux États-Unis, le président Thomas Jefferson, qui avait séjourné en France dans les années 1780, en cultiva dans son domaine de Monticello en Virginie, et l’introduisit à la table présidentielle en 1806. Sa fille et ses sœurs ont laissé on bon nombre de recettes à base de tomates, et ont ainsi contribué à populariser leur consommation. Son gendre Thomas Mann Randolph écrivait que la tomate, quasi ignorée quelques années auparavant, était à la mode en 1824.

Au Canada, il semble que la tomate, inconnue jusque dans les années 1850, aurait été timidement introduite par des canadiens travailleurs du textile établis en Nouvelle-Angleterre et qui rapportaient dans leur terre natale cette curiosité.

À la même époque, Jean-Baptiste Lelaidier provoquait une révolution à Saint-Pierre-les-Becquets.

Aujourd’hui, la tomate est cultivée partout dans le monde; sa production atteint 120 millions de tonnes.

Les choses mal comprises, mal connues
Nous inspirent grande méfiance.
Quand enfin on en découvre les vertus
On peut alors leur faire confiance.*

Références :

Archives de la société d’histoire et de généalogie Lévrard-Becquets
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1ère éd. (1765), t.16, p. 396
Olivier de Serres : Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, p. 562
Monticello.org
Wikipedia.org
Voir les articles sur Jean-Baptiste Lelaidier et sur la tomaterie de Saint-Pierre-les-becquets.
* : grand poète méconnu