Le moulin des Sources du lot 419, (1873-1961)

qui devint aqueduc (1903- )

 

C’est un meunier de Gentilly qui construisit le moulin des Sources. D’après le recensement de 1871, Frédéric Boulanger était déjà installé au 5ème rang de Saint-Pierre avec son épouse et leurs deux enfants, Marie et Rose; il est  décrit comme cultivateur mais on ne le mentionne pas comme meunier.

Frédéric Boulanger emprunta le 13 mars 1873 de Pierre Nolasque Chaillez, bourgeois de Saint-Pierre-les-Becquets, la somme de $400.00 Ce prêt a probablement servi à la construction d’un moulin car en 1876, lors d’un autre emprunt, Frédéric Boulanger donna en garantie son terrain du lot 419 sur lequel était noté un moulin à scie et à farine

Frédéric Boulanger était alors propriétaire d’un tout petit terrain (lot 419), d’environ 2 arpents et 50 perches en superficie, sur lequel était construit un moulin à scie et à farine. Pour des raisons inconnues, il laissa temporairement le métier de meunier. Le 29 octobre 1880, il fit un échange[1] pour une terre à bois avec Jean-Baptiste Fortier, cultivateur de Saint-Jean D’Eschaillons, délaissant le lot 419 décrit « avec les mêmes bornes et voisinage, avec moulin à scie et à farine, moulanges, chaussée sur le ruisseau des Sources servant à faire fonctionner le moulin, fournitures et dépendances qui servent à l’exploitation du moulin, une maison et une étable. » En quelques années, il avait transformé un petit terrain en entreprise florissante.

Qu’advint-il de Frédéric Boulanger? En mai 1881, il était  identifié comme meunier à Saint-Pierre-les-Becquets. Il est possible qu’il ait continué le travail de meunier au profit de Jean-Baptiste Fortier en plus d’exploiter sa terre à bois. En 1891, dans le recensement du district Drummondville-Arthabaska, il était meunier dans le township de Stanfold qui deviendra Princeville, région de colonisation en plein essor.

Un an plus tard, le 5 novembre 1881[2] Jean-Baptiste Fortier, cultivateur et agent d’assurances de Saint-Jean Deschaillons, vendit le moulin à scie et à farine,  à Jean-Baptiste Bergeron, cultivateur de la paroisse de Sainte-Croix. Le prix demandé était de $2,400.00  dont $1,110.00 furent payés comptant. Une police d’assurances fut exigée au montant de $800.00, police qui fut remise au vendeur tant qu’il ne serait pas entièrement payé. À noter que monsieur Fortier avait fait d’une pierre deux coups : vendre une propriété et exiger une assurance qu’il vendait lui-même; il n’y a pas de petit profit.

Quelques mois plus tard, le 25 février 1882, Jean-Baptiste Bergeron fit donation[3] entre vifs à ses deux fils, Stanislas et Joseph Bergeron, de la propriété connue durant quelques années sous le nom de moulin Fortier.

Le 20 juillet 1886, le shérif Charles Dumoulin du district de Trois-Rivières reçut un bref de saisie de la part de Pierre Célestin Levasseur, demandeur, contre les terres et propriétés de Joseph et Stanislas Bergeron à cause de dettes impayées.

À la porte de l’église de Sainte-Sophie-de-Lévrard, le 9 octobre 1886, Jean-Baptiste Fortier, (le même qu’en 1880) cultivateur de Sainte-Philomène, fut le dernier et plus haut enchérisseur, pour  la somme de $1 000.00.[4]

Le 2 janvier 1889, Jean-Baptiste Fortier, alors maître de poste à Sainte-Philomène de Fortierville, vendit sa propriété du lot 419 de huit perches de largeur par quatre arpents de profondeur  avec le moulin à scie et à farine et leurs mécanismes respectifs, chaussée et dalles, une maison, une grange-étable,  avec  toutes les servitudes actives et passives rattachés à ce terrain, à Lubin Barabé (1838-1913) et son fils Thomas (1867-1939), cultivateurs et menuisiers, résidents de Sainte-Sophie-de-Lévrard.

Le vendeur se réserva trois fusées (axes ou extrémité d’un essieu supportant une roue et ses roulements) servant aux trois moulanges, appartenant à un dénommé Lafrance qui pouvait les récupérer à demande. Il se réserva aussi tout le mécanisme et l’ancienne châsse (monture pour recevoir une pièce) du moulin à scie. Le prix payé fut de $1,750.00[5] .

Il est possible que le dénommé  Lafrance soit François Lafrance qui possédait un moulin à farine de 1888 à 1922, au troisième rang, le lot 343.

L’année 1903 fut marquée par un beau projet de Lubin et Thomas Barabé. Le 6 avril, devant la grande quantité d’eau provenant  du ruisseau des sources qui était perdue tout en  faisant fonctionner le moulin, Lubin Barabé demanda à la municipalité de Saint-Pierre-les-Becquets l’autorisation de construire un aqueduc; on avait prévu d’amener l’eau du 5ème rang jusqu’au troisième rang, et desservir en eau potable ceux qui le désiraient. Un permis fut accordé pour passer les tuyaux d’aqueduc dans l’emprise des chemins et routes.

Le 14 mai  1903, les parties se présentaient chez le notaire Henri Rivard Dufresne[6] afin d’établir les règles et conventions en rapport avec l’aqueduc. Celui-ci devait être fonctionnel avant le 1er octobre; les projets se réalisaient rapidement à cette époque. Environ trente ans plus tard, cette même source agrandira son réseau de distribution.

Le 21 février 1909, Thomas Barabé, commerçant de Sainte-Sophie-de-Lévrard, vendit le lot 419, à Arthur Roux, forgeron du même village. Lubin Barabé son père rentier approuva cette transaction. La vente comprenait le moulin avec tous ses outils et machineries, autres bâtisses, la source d’eau sur la terre d’Octave Fournier, le lot 417. Le prix de vente fixé à  $4,000.00, dont  $2,750.00  furent  donnés comptant[7] et  la quittance délivrée le 28 décembre 1924.

Avant d’acquérir le moulin à scie du cinquième rang, Arthur Roux, son épouse Amanda Beaudet et leurs enfants (ils eurent 14 enfants dont 9 garçons) vivaient au village de Sainte-Sophie-de-Lévrard; Arthur Roux possédait une boutique de forge à proximité de l’église.

L’année 1914 resta marquée par un incendie qui causa beaucoup de dommages. Arthur Roux fit alors affaire avec la compagnie manufacturière F.X. Bertrand, machinistes et fondeurs de Saint-Hyacinthe. Il acheta un certain nombre de machines « telles que bouilloire, engin, moulanges et fait  réparer les machines ayant subi des dommages lors de l’incendie »; la facture s’éleva à $1,000.00.[8]

Le 3 juin 1936, Rosaire Roux (1910-1957), industriel, fils d’Arthur Roux et d’Amanda Beaudet, établit un contrat devant notaire en vue de son mariage avec Lucienne Houle (Joseph et Marie Louise Marchand) de Gentilly. Après les clauses et conventions habituelles, s’ajoutait habituellement «la corbeille de mariage». À cette occasion, Arthur Roux (1869-1947) fit donation du lot 419 avec tout ce qu’il comportait : un moulin et ses accessoires, sources d’eau, maison, étable et autres bâtisses, tous les animaux, voitures et tout le ménage de la maison. Comme dans la plupart des cas de donation, les père et mère de Rosaire logèrent avec les futurs époux qui étaient responsables de leur bien-être, sécurité et confort.[9]

Le 8 avril 1945, Rosaire Roux vendit pour $ 4,000.00 comptant le lot 419 à Paul-Émile et Irénée Morissette, tous deux cultivateurs de Sainte-Sophie. Avec le terrain était inclus le moulin à scie (on ne parle plus de moulin à farine) avec toute la machinerie servant à son fonctionnement, la maison et les autres bâtisses, ainsi que la boutique de forge. Rosaire Roux se réservait  ses outils d’ouvrier servant à travailler tant le bois que le fer. Le feu et le soufflet de forge étaient inclus dans la vente.

Irénée  Morissette,  célibataire, vendit sa part indivise dans le moulin à scie et le lot 419 à son frère Paul-Émile qui en devint par conséquent le seul propriétaire. La transaction se chiffrait à $2,400.00.[10]

Après avoir fait fonctionner le moulin à scie durant 16 ans, Paul-Émile vendit en 1961 à Gérard Demers Inc., le lot 419. La vente comprenait tout ce qui servait à  faire fonctionner le moulin à scie, toutes les machines agricoles, les animaux, les récoltes et tout autre article connu de l’acheteur. Paul-Émile Morissette se réservait ses effets personnels, ses meubles et son automobile. Gérard Demers prit ce qu’il acheta tel quel pour la somme de $10,000.00.[11]

La maison fut vendue et transportée à Sainte-Marie-de-Blandford. Isolée avec du bran de scie, elle en a perdu beaucoup en chemin, et est devenue difficile à chauffer par la suite.

En 1965 la Corporation du village Les Becquets, représentée par Gérard Demers, industriel de Saint-Pierre-les-Becquets et Louis-Pierre Roux, agent d’assurance, respectivement maire et secrétaire de la municipalité concernée, a acheté de Gérard Demers Inc. le lot 419, Dans cet acte notarié, on ne mentionne aucune maison ou bâtiment. Le prix de l’acquisition par la municipalité de Saint-Pierre-les Becquets était de $8,000.00

Un réseau d’aqueduc desservant plusieurs paroisses, amenant une bonne eau de source aux usagers, fut alors construit; c’est celui qui nous dessert actuellement.

Jocelyne Lafond, SHGLB

 

[1] acte Archives Nationales no : 21239   et no : 4415 du notaire Félix Bédard

[2] acte Archives Nationales no : 21347 et no : 2002 du notaire Bonaventure Maurault

[3] acte Archives Nationales no :21567  et no : 2045, notaire B. Maurault

[4] Charles Dumoulin, shérif no : 333 et no : 7005 au cahier des décharges, acte A.N. no : 26541

[5] acte A.N. no : 28802 et no : 3472, notaire Joseph Verville

[6] acte A.N. no : 41572 et no : 637, notaire Henri R Dufresne

[7] acte A N  no :45271 et no : 5367, notaire Joseph Ludger Tourigny de Gentilly

[8] acte A N no : 47418 et no :2336 notaire Albert Jodoin, notaire de Saint-Hyacinthe

[9] acte A N no : 60226 et no : 5840, notaire David Hercule Rheault

[10] acte A N no : 66311 et no : 4235, notaire Charles Édouard Villeneuve.

[11] acte A N : 77171 et no: 3094, notaire Normand Provencher