T.A. CHANDONNET

Dans la longue galerie de personnages qui font une sorte de fresque historique à notre région, je commencerai par citer l’un d’eux, THOMAS-AIME CHANDONNET.chandonnet

Il est né à Saint-Pierre-les-Becquets le 6 décembre 1834, de Joseph Chandonnet et Angèle Bibeau, native de Saint-Antoine-de-Tilly. Son parrain fut Godfroi Beaudet et sa marraine, Adèle Leboeuf. C’est un enfant d’une famille nombreuse dont sa sœur ADELINE, épouse en secondes noces de Jean-Noël ROUX, arrière grand-père de Louis-Pierre Roux, natif du deuxième rang.

Thomas-Aimé aime l’étude; il a du talent, mais ses parents n’ont pas les moyens de payer des études au benjamin de quinze enfants. Aussi, grâce à la générosité de quelques prêtres, il poursuit ses études jusqu’en 1855, où il est admis au baccalauréat ès arts, puis en théologie. Le 23 février 1861, il devient l’ABBE CHANDONNET et poursuit ses études en philosophie tout en enseignant. Il est nommé sous-directeur de Pensionnat des élèves internes de l’université Laval, puis chapelain de la société Saint-Vincent-de-Paul. Ses talents sont transcendants, sa personnalité attire, charme, ses élèves le chérissent; tout le monde l’estime.

T.A. Chandonnet est un orateur et un écrivain brillant. En 1863, il prêche un triduum mémorable à la cathédrale Notre-Dame. En 1865, le jeune prédicateur est appelé à prononcer le sermon de circonstance à l’occasion de la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Son éloquence de prêtre et de patriote éclate. Ces sermons et discours sont imprimés et distribués à la population.

En 1865, l’abbé Chandonnet s’embarque le 5 août à bord du “Peruvian”, un vapeur que le célèbre capitaine J.E. Bernier prendra à son tour quelques années plus tard pour Liverpool. Chandonnet s’en va à Rome parfaire ses études de philosophie et de théologie. Il y rencontre, à l’hiver 1867, Hector-Louis Langevin (1826-1906) , futur premier ministre du pays. Au jour de l’anniversaire de son mariage, M. Langevin adresse une lettre à sa femme, de Naples, lui disant “qu’il est sur le sommet du Vésuve, et qu’il prend un verre de vin avec l’abbé Chandonnet, les guides et les porteurs, en son honneur.”

C’est lors de son séjour à Rome que Chandonnet est mandaté par le curé de notre paroisse pour choisir et diriger les travaux par des peintres renommés. Ils exécuteront les magnifiques tableaux qui ornent le chœur de notre église, ainsi que les reliques de nos autels.

Le curé J.D. Déziel, curé fondateur de Lévis, mais ex-curé de Saint-Pierre-les-Becquets de 1837-1843, réclame les services de l’abbé pour le conseiller dans le choix de ses propres peintures pour son église. Peu orateur lui-même, Déziel nourrissait quelque admiration pour ce jeune prêtre issu de cette paroisse qu’il a dirigée, et dont l’érudition éblouit tous et chacun.

Alors que l’abbé Chandonnet est à Rome, il est nommé principalat de l’école normale Laval, le premier septembre 1867. Il a 32 ans, il est d’ores et déjà professeur au séminaire de Québec, docteur en théologie et en philosophie, et est à préparer son doctorat en droit canon. Il devient le troisième principal de cette école normale, devenue depuis MERICI.

Cette école demeurera pendant plusieurs années la seule école normale pour jeunes filles dans la province de Québec.

On lira ceci dans le journal « L’ÉVÉNEMENT » de Québec, dirigé par le rédacteur en chef Hector Fabre: « A son retour de Rome, Chandonnet ouvrit des cours de philosophie qui attirèrent le tout Québec intellectuel. » En réalité, c’était plutôt la polémique qu’il cherchait du regard, repérant dans l’assistance un adversaire potentiel qu’il haranguait de plus belle.

Il fut un ardent défenseur des collèges classiques!

Peu doué pour les finances, et sa santé laissant à désirer, l’abbé Chandonnet quittera l’école normale après le décès de sa mère en 1869. Il laissera le souvenir d’un professeur dévoué, mais peu pédagogue. Même ses meilleurs élèves avaient quelque difficulté à le suivre…

Il ira ensuite enseigner au collège Saint-François-Xavier à New-York. A son retour au pays, il demeurera à Montréal chez sa sœur, madame Lavigne. Son neveu était typographe. Nous le retrouvons corrigeant des épreuves et rédigeant des articles pour la “Revue de Montréal”.

C’est là qu’il meurt foudroyé par “l’apoplexie” , en juin 1881. Il avait 47 ans. Un de ses neveux. M. Alphonse Lavigne, des Trois-Pistoles, appelé en hâte à Montréal, trouva sur le corps de son oncle Thomas une ceinture en broche de fer, de 162 anneaux, armés chacun de deux pointes, formant en tout un cilice de 324 pointes appliquées à peau nue.

Mais il aura laissé dans la famille le goût ardent d’une pédagogie appliquée…

Parmi les membres enseignants de la famille, on compte M. Zoël Tousignant, frère de la grand-mère Eugénie Tousignant, qui a occupé la chaire des mathématiques de nombreuses années à partir de septembre 1916. Les sœurs de mon mari, Thérèse, Cécile et Marie-Claire, y ont préparé leur brevet d’enseignement…MERICI fut donc un bon foyer pour les enseignants du temps…

Yolande-Allaire Roux